Présomption de démission suite à un abandon de poste
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Présomption de démission suite à un abandon de poste

(Décret n° 2023-275 du 17 avril 2023, publication au JO n°0091 du 18 avril 2023)

Un abandon de poste par un salarié peut dorénavant être assimilé à une démission sous certaines conditions. Il s’agit d’une des mesures de la loi « portant mesures d’urgence relative au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi » voulue par le gouvernement.

Cette mesure phare a été validée par le Conseil constitutionnel. Le décret d’application ayant été publié, cette disposition légale entre en vigueur officiellement le 19 avril 2023, au lendemain de la publication au Journal officiel du décret fixant ses modalités d’application.

La procédure n’est applicable qu’aux contrats à durée indéterminée (CDI).

A la date de parution du décret et des questions-réponses de l’administration, des zones d’ombre subsistent quant au caractère exclusif de ce mode de rupture du contrat de travail lorsqu’il est applicable, en raison d’une rédaction imprécise du décret concerné.

Quelle était la procédure applicable jusqu’à présent en cas d’abandon de poste d’un salarié ?

Jusqu’à parution du décret, en cas d’abandon de poste par un salarié, l’employeur pouvait décider de suspendre le contrat en attendant le retour éventuel de ce dernier ou procéder à un licenciement pour faute.

S’il était démontré que cette absence non justifiée perturbait le bon fonctionnement de la société ou du service auquel le salarié en question appartenait, l’employeur pouvait procéder à un licenciement pour faute grave, privant ce dernier de l’indemnité de licenciement. En effet, Le refus d’un salarié d’effectuer son travail et l’abandon de son poste pendant deux jours sont constitutifs d’une faute grave (cass. soc. 18 avril 2008, n°07-42457 FD). Il restait redevable des sommes dues au titre des congés payés et le salarié pouvait prétendre aux indemnisations de l’assurance chômage.

Quelles sont les conditions d’application de la procédure de présomption de démission ?

  • La procédure ne concerne que les contrats à durée indéterminée (CDI),
    Dans le cas d’un contrat à durée déterminée (CDD), c’est la procédure de rupture anticipée de ce dernier qui doit être appliquée.  L’employeur peut rompre le CDD avant le terme prévu dans le contrat ou avant que la durée minimale de celui-ci n’ait été atteinte en cas de faute grave du salarié (c. trav. art. L. 1243-1).
  • L’employeur n’a reçu aucun justificatif d’absence de la part du salarié,
    Toute absence doit être justifiée, quelles qu’en soit la durée et les raisons. Le délai d’usage pour la transmission d’un arrêt maladie est de 48 heures, mais l’accord de branche dont dépend l’entreprise peut prévoir une durée différente.
  • Le salarié n’a pas démontré de volonté claire et non équivoque de démissionner, et il n’existe pas de motif légitime ou connexe à son abandon,
    Si le salarié a déjà fait part de façon explicite et écrite de sa volonté de démissionner de son poste, c’est la procédure de démission qui doit être appliquée. De même, si l’abandon de poste fait suite à un évènement comme un refus d’obtempérer, la procédure à appliquer pourrait être différente. Enfin, le salarié peut se prévaloir d’un motif légitime comme une atteinte à sa sécurité ou une modification de son contrat à l’initiative de l’employeur. La situation doit être analysée au cas par cas.
  • Le respect strict de la procédure décrite ci-après, notamment l’absence de réponse de la part du salarié suite à mise en demeure de ce dernier de reprendre son poste,
    Le décret prévoit une procédure de mise en œuvre du dispositif de présomption de démission précis, qu’il convient bien entendu de respecter scrupuleusement.

Cette procédure est-elle exclusive de toute autre ?

Face à une situation d’abandon de poste, l’employeur peut prendre la décision de simplement suspendre le contrat de travail du salarié concerné. L’employeur peut ainsi décider de ne pas mettre en demeure son salarié qui a abandonné volontairement son poste, le conservant dans ses effectifs. Le contrat de travail du salarié n’est pas rompu mais seulement suspendu ; la rémunération du salarié n’est donc pas due.

Quant à la question de savoir si la procédure de licenciement pour faute est encore applicable, la rédaction du décret manque de précision et l’avis de l’administration semble aller au-delà de la formulation retenue par le législateur.

La formule retenue par le décret d’application, « l’employeur qui […] entend faire valoir la présomption de démission […] le met en demeure », laisse penser qu’elle n’était qu’une alternative à la procédure de licenciement pour faute.

Cependant, dans le « Questions-Réponses | Présomption de démission en cas d’abandon de poste volontaire du salarié », il est indiqué « A contrario, si l’employeur désire mettre fin à la relation de travail avec le salarié qui a abandonné son poste, il doit mettre en œuvre la procédure de mise en demeure et de présomption de démission. Il n’a plus vocation à engager une procédure de licenciement pour faute ».

L’alternative ouverte par le choix de la formule « l’employeur qui […] entend faire valoir la présomption de démission » serait donc le maintien du salarié absent dans les effectifs sans paiement de son salaire.

Les dispositions légales et réglementaires qui ont inscrit la présomption de démission dans le code du travail ne mentionnent aucunement que cette nouvelle procédure est exclusive du licenciement (c. trav. art. L. 1237-1-1 et R. 1237-13), qui relève d’une précision administrative sans force légale. Des précisions semblent nécessaires sur cet aspect.

Quelle est la démarche à suivre pour mettre en œuvre la procédure d’abandon de poste ?

S’il décide de faire jouer la présomption de démission, l’employeur doit alors mettre en demeure le salarié, par lettre recommandée ou par lettre remise en main-propre contre décharge, de justifier son absence et de reprendre son poste dans un délai qu’il fixe.

Le décret précise que le délai fixé par l’employeur au salarié pour justifier son absence et reprendre son poste ne peut pas être inférieur à 15 jours calendaires. Il commence à courir à compter de la date de présentation de la mise en demeure au salarié.

Dans le cas où le salarié entend se prévaloir auprès de l’employeur d’un motif légitime de nature à faire obstacle à une présomption de démission, il doit indiquer ce motif dans la réponse à la mise en demeure.

Parmi les exemples de motifs légitimes, il est précisé qu’il peut s’agir « notamment » :

  • de raisons médicales ;
  • de l’exercice du droit de retrait en cas de danger grave et imminent ;
  • de l’exercice du droit de grève ;
  • de son refus d’exécuter une instruction contraire à une réglementation ;
  • de la modification du contrat de travail à l’initiative de l’employeur.

A l’issue du délai de 15 jours minimum, le salarié est présumé avoir démissionné.

L’employeur doit il rémunérer le préavis en cas de procédure d’abandon de poste ?

Les règles de droit commun s’agissant du préavis en cas de démission s’appliquent.

Aussi, un préavis de démission est dû si des dispositions législatives ou conventionnelles le prévoient. A défaut de stipulations législatives, contractuelles, ou d’usage, aucun préavis n’est dû.

Le salarié peut-il contester la procédure de présomption de démission mise en œuvre ?

Le salarié considéré comme démissionnaire reste en droit de contester cette présomption devant les prud’hommes, sans passer par le bureau de conciliation, dérogeant ainsi à la phase préalable de conciliation prévue dans la procédure de droit commun.

Il appartient alors aux juges de se prononcer, dans un délai d’un mois, sur la nature de la rupture et les conséquences associées.

Le salarié peut-il prétendre à des indemnités chômage en cas de mise en œuvre de cette procédure ?

Désormais assimilé à une démission, un abandon de poste ne permet plus d’être éligible à l’assurance chômage.

Par contre, une rupture de contrat de travail (CDD ou CDI) jugée avec vice de procédure pourrait ouvrir droit aux indemnités de licenciement et aux droits à l’assurance chômage.

En conclusion

Bien que la mise en œuvre de la procédure de présomption de démission en cas d’abandon de poste est relativement simple, l’appréciation de l’éligibilité à cette procédure de la situation rencontrée peut être plus délicate et source de risque pour l’employeur.

Il est donc fortement recommandé de consulter des experts du droit du travail comme la société Houdart Audit et Conseil pour vous aider à apprécier la situation et les dispositions applicables.

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À propos de l'auteur

Christophe est associé et co-gérant de la société Houdart Audit & Conseil depuis 2013. Il accompagne le développement du cabinet sur les nombreux secteurs où ce dernier dispose de compétences techniques spécifiques, auprès de clients recherchant réactivité et qualité de services. Appréciant le digital, il est en charge de la rédaction de contenu sur le site internet de l’entreprise.

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